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Le Conseil d’Etat annule certaines dispositions du décret du 22 octobre 2018 sur la nomenclature ICPE au nom du principe de non-régression

Dans une décision du 30 décembre 2020, le Conseil d’État a annulé certaines dispositions du décret du 22 octobre 2018 qui modifiait la nomenclature des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Le décret avait élargi ou introduit le régime de déclaration, en lieu et place de celui de l’autorisation, pour un certain nombre d’installations relevant de ces rubriques (les rubriques ou sous-rubriques n° 2120, élevages de chiens, 2140, présentation au public d’animaux non domestiques et 2731-3, dépôt ou transit de sous-produits animaux).

Le Conseil d’État censure ces dispositions pour méconnaissance du principe de non-régression de la protection de l’environnement, inscrit à l’article L. 122-1 du code de l’environnement.

Le Conseil d’État considère que :

« Dès lors qu’il résulte du tableau annexé à l’article R. 122-2 du code de l’environnement que les projets d’installations classées pour la protection de l’environnement soumises à déclaration ne font l’objet d’aucune évaluation environnementale, les modifications mentionnées ci-dessus apportées à la nomenclature de ces installations ont pour effet d’exempter de toute évaluation environnementale des projets qui étaient, auparavant, susceptibles d’y être soumis soit de manière systématique soit après un examen au cas par cas. Faute pour l’administration de faire état d’éléments permettant d’établir que ces installations ne font pas courir de risque à l’environnement ou à la santé humaine ou que la nature d’un tel risque a changé ou que la procédure de déclaration, exempte de toute évaluation environnementale, offrirait une protection équivalente à celle qu’assurait la procédure d’autorisation, les associations requérantes sont fondées à soutenir que ces dispositions méconnaissent le principe de non-régression de la protection de l’environnement. »

C’est la troisième fois que les juges du Palais Royal font application du principe de non-régression pour annuler des dispositions réglementaires (la première fois avec la décision du 8 décembre 2017 n° 404391 concernant l’exemption d’évaluation environnementale de certains équipements sportifs et la deuxième fois avec la décision du 9 octobre 2019 n° 420804 au sujet des règles de l’évaluation environnementale en Guyane).

Retour sur la loi du 24 décembre 2020 relative à la justice environnementale

La fin d’année 2020 a été marquée par une réforme de l’organisation judiciaire portant notamment sur la justice environnementale. La loi n°2020-1672 du 24 décembre 2020 prévoit notamment trois grandes mesures visant à développer l’efficacité de la justice environnementale :

La première partie de l’article 15 de la loi introduit à l’article 41-1-3 du code de procédure pénale la convention judiciaire d’intérêt public (CJIP). Il s’agit d’une nouvelle voie transactionnelle à la disposition du parquet. Elle permet au procureur de la République de proposer à une personne morale mise en cause pour un ou plusieurs délits prévus par le code de l’environnement ainsi que des infractions connexes de transiger de trois manières possible : Soit en versant une amende d’intérêt public, soit en régularisant sa situation dans le cadre d’un programme de mise en conformité, soit en assurant la réparation du préjudice écologique. La CJIP peut prévoir une seule comme plusieurs de ces mesures.

La seconde partie de l’article 15 et l’article 17 prévoient la spécialisation d’un Tribunal judiciaire, dans le ressort de chaque Cour d’appel. En matière pénale (article 706-2-3 du code de procédure pénale), ce Tribunal connaîtra la poursuite, l’instruction et le jugement des délits prévus par le code de l’environnement et ses infractions connexes. En matière civile (article 211-20 du code de l’organisation judiciaire), ce Tribunal sera compétent concernant les actions relatives au préjudicie écologique (articles 1246 et suivants du code civil) et différentes actions en responsabilité.
Même si aucune coordination formelle n’est prévue entre les juridictions pénales et civiles, il est certain que dans le ressort de chaque Cour d’appel un seul et même Tribunal judiciaire sera désigné pour exercer ces deux spécialisations.

Enfin, l’article 19 de la loi créé l’article 28-3 du code de procédure pénal renforçant le pouvoir des inspecteurs de l’environnement. Ceux de catégorie A et B disposeront des pouvoirs et obligations des officiers de police judiciaires pour les enquêtes judiciaires qu’ils diligentent. Ils ont compétence sur l’ensemble du territoire national mais ils doivent, pour certaines infractions commises en bande organisée, opérer en coopération avec des agents de police judiciaire ou des douanes.

D’autres dispositions sont prévues par la loi, parmi lesquelles : l’échange d’information entre les agents chargés des contrôles et ceux habilités à rechercher ou à constater les infractions pénales (art. 16), la possibilité d’un ajournement de la peine en matière d’infraction environnementale (art. 23) ou la précision du délit réprimant le non-respect d ‘une obligation de remise en état (art. 22).

Dans le cadre des débats, le garde des Sceaux, Eric Dupont-Moretti, a affirmé : « Il nous faut de meilleures incriminations, des sanctions dissuasives, une justice mieux organisée et mieux équipée pour s’assurer de l’effectivité de ses décisions, et des enquêteurs opérationnels, coordonnés, efficaces ». Toutefois, ce texte n’a introduit aucune infraction nouvelle. La mise en place d’un délit d’écocide a été a été reportée et figure aujourd’hui dans le projet de loi contre le dérèglement climatique qui doit être présenté en conseil des ministres le 11 février prochain.

Retour à une autorisation temporaires des néonicotinoïdes avec la loi du 14 décembre 2020

Loi du 14 décembre 2020 relative aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières ré-autorise jusqu’en 2023 l’usage des insecticides néonicotinoïdes pour les seules cultures de la betterave sucrière, menacées par le virus de la jaunisse.

Depuis le 1er septembre 2018, à la suite de la loi biodiversité du 8 août 2016, l’utilisation des produits contenant des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits est interdite en France. Cette interdiction a été étendue aux substances similaires. Toutefois, des dérogations à cette interdiction pouvaient être accordées jusqu’au 1er juillet 2020. Depuis cette date, en vertu de l’article L.253-8 du code rural et de la pêche maritime, il n’est plus possible d’utiliser de tels produits et des semences traitées avec des néonicotinoïdes.

La loi modifie cette disposition pour réintroduire des dérogations limitées jusqu’au 1er juillet 2023 à l’utilisation de semences traitées avec des néonicotinoïdes, tel que l’autorise l’article 53 du règlement européen du 21 octobre 2009 concernant la mise sur le marché des produits phytopharmaceutiques. Cet article du règlement permet à un État membre de prendre une autorisation dérogatoire autorisant la mise sur le marché d’un produit phytopharmaceutique interdit par l’Union pour 120 jours maximum .

Sur amendement des parlementaires, ces dérogations sont limitées aux semences de betteraves sucrières menacées par le virus de la jaunisse de la betterave.

Des arrêtés conjoints des ministres chargés de l’agriculture et de l’environnement doivent autoriser ces dérogations et préciser les conditions d’interdiction de planter ou replanter des cultures attirant les abeilles après emploi de ces semences. Ces arrêtés sont pris après avis d’un conseil de surveillance chargé de suivre et de contrôler la recherche et la mise en œuvre d’alternatives aux produits comportant des néonicotinoïdes.

Droit de l’environnement : retour sur la construction d’une spécialité

Dans un dossier dédié spécialement à « l’avocat environnementaliste : formation et pratique professionnelles » publié à la revue Dalloz Avocats en novembre 2020, Yvon Martinet revient sur la construction du droit de l’environnement en tant que spécialité.

« Le droit de l’environnement, droit historiquement d’origine jurisprudentielle, est un droit de praticiens avocats, qui ont ensemble et séparément, en s’opposant ou en se concertant, créé ce droit autonome ».

L’ancien Vice-Bâtonnier explique comment les juges et les avocats ont permis de créer un droit de l’environnement mixte et autonome, qui a dépassé le clivage traditionnel public/privé pour devenir un droit « infrastructure » des projets.

Un droit désormais structurant et une référence à l’international de par sa modernité et son adaptabilité, mais dont les garants restent, aujourd’hui encore, le juge et les avocats.

L’article est consultable ici.

Le Conseil d’Etat enjoint au Gouvernement de justifier que ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pourront être respectés

La commune de Grande-Synthe a saisi le Conseil d’État à la suite du refus du Gouvernement opposé à sa demande que soient prises des mesures supplémentaires pour respecter les objectifs issus de l’accord de Paris.

La France s’était engagée, par l’Accord de Paris, signé le 12 décembre 2015 et ratifié par la loi n° 2016-786 du 15 juin 2016, à réduire ses émissions de 37% par rapport à 2005 d’ici à 2030.

Plus encore, par la loi Énergie-Climat du 8 novembre 2019, elle s’était fixé comme objectif de réduire ces émissions de 40% par rapport à 1990.

Par un arrêt n° 427301 du 19 novembre 2020 rendu en Chambres réunies,  le Conseil d’État juge que la France a, au cours des dernières années, régulièrement dépassé les plafonds d’émissions qu’elle s’était fixés pour atteindre ses objectifs en 2030 et que le décret du 21 avril 2020 a reporté l’essentiel des efforts de réduction après 2020.

Ainsi, avant de statuer définitivement sur la requête, la Haute juridiction demande au Gouvernement de justifier, dans un délai de 3 mois, que son refus de prendre des mesures complémentaires est compatible avec le respect de la trajectoire de réduction choisie pour atteindre les objectifs fixés pour 2030.

Projet de loi ASAP : Point sur les évolutions environnementales

En novembre 2020, juste après la saisine du Conseil constitutionnel sur la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, Cadre de Ville a interrogé Patricia Savin et Laura Ceccarelli-Le-Guen quant aux apports de la loi dans les domaines de l’environnement et de l’urbanisme.

L’entretien décrypte ainsi les évolutions principales de la loi ASAP, en particulier les modifications apportées au mécanisme d’actualisation des études d’impact nécessitant la délivrance de plusieurs autorisations, les règles renouvelées de démocratie environnementale ainsi que la possibilité d’exécution anticipée des travaux autorisés par un permis de construire avant la délivrance de l’autorisation environnementale.

Ces mesures ont pour objectif de rendre plus attractifs des territoires sur lesquels se trouvent des sites et sols pollués.

Mais si ces dispositions adaptent le droit de l’environnement aux difficultés rapportées par les acteurs économiques, elles sont toutefois critiquées comme générant une insécurité juridique, une durée excessive des procédures et une certaine complexification des procédures environnementales.

L’entretien peut être consulté ici ainsi que ici.

Adoption de la loi Anti-gaspillage et Economie Circulaire

La loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire a été promulguée le 10 février 2020 avec pour objectif affiché d’accélérer le changement des modèles de production et de consommation afin de réduire les déchets et préserver les ressources naturelles.

Après avoir redéfini les principes généraux de l’action environnementale en introduisant notamment les concepts d’« éco-conception » et de « limites planétaires » et avoir ajouté la lutte contre la pollution plastique, ajoutée à la politique nationale de prévention et de gestion des déchets qui sera mise en œuvre au moyen d’un nouvel objectif à atteindre de 100% de plastique recyclé d’ici 2025 et de la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique d’ici 2040.

Parmi les mesures phare, la loi introduit la vente en vrac dans le code de la consommation au sein d’un nouveau chapitre portant sur les « pratiques commerciales encouragées », la publicité par prospectus sur les voitures ou la distribution dans les boîtes aux lettres de cadeaux publicitaires sont interdites.

En matière de responsabilité élargie du producteur, certaines filières de REP sont étendues (textiles par exemple) d’autres sont nouvellement créées qui entreront en vigueur dans les prochaines années et elles intègrent également l’éco-conception des produits, l’allongement de la durée de vie, le soutien aux réseaux de réemploi et le développement du recyclage.

Enfin, l’objectif principal d’interdiction progressive des emballages plastiques à usage unique d’ici 2040 est mise en œuvre au travers de nombreuses mesures techniques insérées dans le code de l’environnement. L’article L.541-15-10 du code de l’environnement est entièrement réécrit pour rassembler les obligations relatives au plastique afin d’atteindre cet objectif: interdiction des gobelets et  assiettes jetables d’ici 2020,  des sacs plastiques à usage unique, pailles ou confettis en plastiques d’ici 2021 et interdiction progressive des microplastiques « intentionnellement ajoutés » dans les produits cosmétiques, détergents et médicaux d’ici 2027.

4 nouvelles substances considérées comme extrêmement préoccupantes par l’ECHA

Le 16 janvier 2020, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA)  a ajouté à la liste des substances considérées comme extrêmement préoccupantes candidates en vue d’une autorisation (SVHC ou liste candidate)[1] 4 nouvelles substances:

  • Le phthalate de diisohexyl,
  • Le 2-benzyl-2-dimethylamino-4′-morpholinobutyrophenone et le 2-methyl-1-(4-methylthiophenyl)-2-morpholinopropan-1-one, substances notamment utilisées dans la fabrication de polymères,
  • L’acide perfluorobutanesulfonique et ses sels de potassium (PFBS), un tensioactif utilisé principalement dans la fabrication de polymères, mais également dans la synthèse chimique ou la fabrication du polycarbonate.

Les fournisseurs d’articles établis dans l’UE ou dans l’espace économique européen dont les articles contiennent ces substances avec une concentration supérieure à 0,1 % masse/masse (w/w), et si la substance est présente dans ces articles dans des quantités atteignant au total plus d’une tonne par an, doivent communiquer ces informations en amont, et en aval de la chaîne d’approvisionnement, et fournir des informations suffisantes pour permettre l’utilisation de l’article en toute sécurité par leurs clients. Le consommateur peut également demander des informations à ce sujet en vertu du règlement Reach[2].

Cet ajout s’inscrit dans le cadre des mesures prises en vertu de la directive UE 2018/851, dite directive dite Déchet[3], qui avait fixé pour objectif de « favoriser la prévention des déchets en abaissant leur teneur en substances dangereuses ». Dans ce cadre, la mise en œuvre d’un prototype de base de données de recensement des articles mis sur le marché contenant ces dites substances (SCIP) devait être mis en place, au plus tard, en ce début d’année 2020.

L’ECHA actualise régulièrement la liste des SVHC et recense les informations qui lui sont fournies par des entreprises qui produisent, importent ou fournissent des articles contenant ces substances. En effet, toujours en vertu de la directive Déchets, et à compter du 5 janvier 2021, les fournisseurs d’un article contenant ces substances devront notifier à l’ECHA la présence dans leur article d’une substance figurant sur la liste des substances candidates, au plus tard six mois après l’inclusion de la substance sur la liste.

Les informations figurant dans la base de données aideront les organismes de gestion des déchets à trier et à recycler les articles qui contiennent des SVHC. Elle pourra permettre également aux autorités de contrôler l’utilisation des substances préoccupantes dans les articles, de leur appliquer des mesures appropriées et enfin de promouvoir la substitution des produits chimiques dangereux lorsque cela est possible.

[1] https://echa.europa.eu/fr/candidate-list-table

[2] Article 33 et suivants du règlement (CE) n°1907/2006 du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation, et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicable à ces substances REACH, instituant une agence européenne des produits chimiques.

[3] Article 9 1. i) et 2. de la directive n°2008/98/CE  du 19 novembre 2008 relative aux déchets, modifiée par la directive n°2018/851 du 30 mai 2018.

Culture sous serre, label « bio » et règlement UE n° 848/2018

Par une décision du 11 juillet 2019, Le Comité national de l’agriculture biologique (CNAB) a restreint l’octroi, pour les agriculteurs français qui cultivent sous serre chauffée, de l’appellation « bio ».

Cette décision, qui a suscité une levée de bouclier du côté des agriculteurs bio, engendre de nombreuses conséquences à analyser par rapport notamment au nouveau règlement européen (n°848/2018) qui entrera en vigueur au 1er janvier 2021 et qui ne prévoit aucune limitation de ce genre au niveau de l’Union.

Cette restriction strictement française pourrait avoir des effets pervers sur le terrain de la concurrence entre agriculteurs, la culture sous serre chauffée étant une pratique très répandue dans les pays nord-européens, mais aussi sur celui des émissions de gaz à effet de serre, contredisant ainsi son objectif initial.

Patricia CUBA-SICHLER et Jean-Paul MONTENOT de DS Avocats reviennent sur cette décision du CNAB et en analysent les répercussions possibles au vu de l’évolution de la réglementation européenne.

Voir l’article »Les ‘paradoxes’ du bio à l’aune du nouveau règlement UE n°848/2018″  dans la Revue Lamy Droit Alimentaire, n°398 de décembre 2019,