Sites et sols pollués : la loi ALUR facilite la valorisation du foncier

L’article 173 de la loi ALUR facilite la reconversion des terrains pollués : reconversion qui devrait ainsi connaître un nouvel essor, via notamment l’introduction de l’article L.512-21 du Code de l’environnement, relatif au nouveau statut de tiers intéressé, également dénommé tiers demandeur.

Il est ici rappelé que dans le cadre d’une mise à l’arrêt définitif d’une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), cet article permet à un tiers autorisé par le préfet de se substituer au dernier exploitant (avec l’accord de ce dernier) dans la réalisation des travaux de réhabilitation. Ainsi, tout tiers – doté de capacités techniques et pouvant justifier de garanties financières suffisantes – peut demander à être l’interlocuteur de l’administration et réaliser les travaux de réhabilitation requis, en lieu et place de l’industriel qui a cessé son activité. Par cette substitution souhaitée entre le tiers demandeur et l’industriel, chaque partie y trouve son compte : le tiers demandeur entend réaliser plus rapidement ses opérations immobilières sur des terrains pollués ; l’industriel transfert ses obligations administratives sur un tiers sachant.

Le projet de décret d’application de l’article L.512-21 du Code de l’environnement, dans sa version soumise à consultation par le MEDDE le 20 novembre 2014, apporte des précisions importantes à relever, dont les cinq principales celles-ci-après mentionnées.

Le projet d’article R.512-76 I du Code de l’environnement précise que la substitution peut être opérée sur « tout ou partie d’un terrain ». Cette disposition est essentielle en ce que – en permettant une divisibilité du foncier d’assise d’une ICPE – les cas de recours au mécanisme du tiers demandeur s’en trouvent optimisés, évitant ainsi le maintien de zones de friches industrielles qui seraient la conséquence d’une non divisibilité.

  • Le projet d’article R.512-78 VI du Code de l’environnement dispose que, dans l’hypothèse d’un défaut de maîtrise foncière, le tiers demandeur peut demandé le retrait de l’arrêté. Se pose alors la question d’un refus du préfet à opérer au retrait dudit arrêté.
  • Le projet d’article R.512-79 du Code de l’environnement prévoit d’étendre le mécanisme du tiers demandeur à l’hypothèse de « disparition du dernier exploitant ». Cette disposition est importante pour gérer les friches industrielles abandonnées.
  • Le projet d’article R.512-80 du Code de l’environnement précise que les garanties financières  à produire peuvent être présentées pour couvrir – non pas l’ensemble de la réhabilitation – mais tranche par tranche lorsque cela est envisagé. Cette approche opérationnelle est essentielle, à défaut de quoi les tiers demandeurs risqueraient d’avoir énormément de difficulté à trouver les garanties financières idoines.
  • Le projet d’article R.512-82 du Code de l’environnement dispose qu’en cas de défaillance du tiers demandeur et impossibilité de mettre en œuvre les garanties financières, le dernier exploitant redevient responsable de la réhabilitation. Il serait alors utile de faire préciser que le niveau de réhabilitation à atteindre n’est pas nécessairement celui négocié avec le tiers demandeur, mais le niveau légalement requis de tout dernier exploitant d’ICPE.

Au-delà de ces dispositions spécifiques sur le tiers demandeur, la loi ALUR apporte de nombreuses autres nouveautés essentielles et structurantes de l’activité des foncières, des promoteurs et des aménageurs, dont la clarification d’une hiérarchie des responsabilités. Ces textes tendent à intégrer l’opérationnalité requise dans la gestion des sols pollués, au vu des meilleures pratiques en la matière, et ce faisant, permettent une meilleure visibilité et donc sécurité juridique recherchée par l’ensemble des parties prenantes.

Force est de constater que le besoin d’efficacité juridique couplé à un nécessaire « choc » de croissance économique semble faire entrer le droit de l’environnement dans l’ère de l’efficacité opérationnelle. A suivre, au regard des les travaux en cours de modernisation du droit de l’environnement pour un nouveau « choc » souhaité, celui de la simplification.

Patricia Savin
Avocate associée, Docteur en droit, Cabinet DS AVOCATS
Intervenante EFE à la conférence « Valorisation des sols pollués, comment procéder depuis la loi ALUR » des 18 et 19 mars 2015 à Paris