Le 31 janvier 2020, le Conseil Constitutionnel a rendu une décision QPC en rupture avec sa jurisprudence habituelle. Par la décision n°2019-823, il a estimé que l’article L. 253-8 du code rural et de la pêche maritime était conforme à la Constitution, en se fondant notamment sur un nouvel objectif constitutionnel (OVC) de protection de l’environnement.
Cet article du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018, prévoit notamment que soient « interdits à compter du 1er janvier 2022 la production, le stockage et la circulation de produits phytopharmaceutiques contenant des substances actives non approuvées pour des raisons liées à la protection de la santé humaine ou animale ou de l’environnement ». L’article visé interdit donc à la vente de tels produits, mais aussi leur exportation.
Aux yeux du Conseil, cette disposition porte sans surprise une atteinte claire à la liberté d’entreprendre. Toutefois, il estime que cette atteinte est proportionnée au regard des objectifs de valeur constitutionnelle de protection de la santé et de l’environnement poursuivis.
Dans sa jurisprudence, le Conseil a fréquemment opposé l’OVC de protection de la santé aux libertés économiques, notamment en matière de produits phytosanitaires. Toutefois, c’est à l’occasion de la présente décision que le Conseil reconnaît pour la première fois l’existence d’un objectif de protection de l’environnement poursuivi par la Constitution.
Par cette décision le Conseil vient ainsi combler certains des manques de la Charte de l’environnement. Plusieurs de ses dispositions ne sont ni d’applicabilité directe et ni opposables. En faisant émerger une norme non-écrite de valeur constitutionnelle de protection de l’environnement, le Conseil s’affranchit ainsi des limites textuelles auxquelles il était jusqu’à présent soumis.
Ce nouvel objectif de valeur constitutionnel est un nouvel outil à disposition des avocats et du Conseil qui n’auront plus à se limiter aux normes constitutionnelles écrites. En effet, il ne fait nul doute que ce nouvel OVC permettra de censurer des dispositions lors d’un contrôle a priori, mais aussi de fonder de nouvelles Questions prioritaires de constitutionnalité.
Cette décision est également à mettre en perspective avec le projet de référendum à venir sur l’inclusion de la protection de l’environnement à l’article 1 de la Constitution. Le droit constitutionnel de l’environnement est en pleine transformation et les évolutions à venir sont à surveiller de près.